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5 mai 2005

DIVERSITE CULTURELLE ET PRINCIPE ETHNIQUE DANS LE

DIVERSITE CULTURELLE ET PRINCIPE ETHNIQUE DANS LE TRAITE CONSTITUTIONNEL EUROPEEN


PAR YVONNE BOLLMANN, GERMANISTE, MAÎTRE DE CONFÉRENCES À L’UNIVERSITÉ PARIS XII

mercredi 4 mai 2005

   

   
Le déficit social européen et la Constitution

Pour la spécialiste de l’Allemagne Yvonne Bollmann, plusieurs articles du traité constitutionnel consacrés aux droits des minorités portent le sceau de l’Allemagne et de ses lobbies ethnicistes.

Lors de son débat avec des jeunes sur TF1, le Président de la République a reconnu l’autorité des juridictions européennes en matière de droits fondamentaux. Il a parlé des « principes fondamentaux qui doivent être contrôlés par les tribunaux européens », et de « l’affirmation claire et constitutionnelle qui permet ensuite de saisir tous les tribunaux européens, il ne peut pas y avoir de discrimination ». Mais l’article II-81 du Traité constitutionnel, consacré à la non-discrimination, est un arrêt de mort pour la France.

Le député allemand Peter Altmaier a été membre de la Convention pour l’avenir de l’Europe, au titre de représentant du Bundestag. Il avait déjà été le représentant du Bundestag dans la Convention qui a élaboré la charte des droits fondamentaux. En novembre 2000, il a déclaré à ce propos : « Partout où il y avait des articles comparables dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, nous avons formulé la charte européenne des droits fondamentaux en reprenant presque mot pour mot ce que dit la convention des droits de l’Homme. »

Dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, à l’article 14, l’interdiction de discrimination est énoncée comme suit : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

L’article II-81 du Traité constitutionnel reprend ce texte, en ajoutant aux critères de non-discrimination les caractéristiques génétiques, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Mais à « l’origine nationale ou sociale » se sont substituées « les origines ethniques ou sociales ». Cette modification, qui définit la nation comme ethnie, est le sceau de l’Allemagne apposé sur le Traité constitutionnel. La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, dont la puissante et tenace Föderalistische Union Europäischer Volksgruppen / Union Fédéraliste des Communautés Ethniques Européennes, a été un maître d’œuvre, en portait déjà la marque, tout comme la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, toutes deux adoptées par le Conseil de l’Europe.

La formulation de l’article II-81 diffère aussi de celle qui avait été adoptée dans le Traité d’Amsterdam pour l’article 13. Celui-ci prévoit que « le Conseil peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». Dans le Traité constitutionnel, l’origine ethnique est dissociée de la race, et acquiert une existence autonome, de même valeur que l’origine sociale. Les partisans de ce texte affirment souvent qu’il se contente de rassembler ce qui se trouvait déjà dans les traités précédents. Pour ce qui est de la notion d’origine ethnique, ils sont pris en flagrant délit de mensonge.

Dans l’article II-81 du Traité constitutionnel, il est question d’« origines ethniques », là où la Convention européenne des Droits de l’Homme et le traité d’Amsterdam utilisaient encore le singulier. Ce pluriel est une variation sur le thème de la diversité culturelle, qui apparaît à plusieurs reprises dans le Traité constitutionnel. Son article I-3 dit ainsi que « l’Union (...) respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique », et l’article II-82 que « l’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ». Mais cette sorte de diversité culturelle n’a plus rien à voir avec l’exception culturelle chère à la France, qui signifie que les biens culturels ne sont pas une marchandise comme les autres.

Quand la charte des droits fondamentaux avait encore une identité propre, avant de devenir la deuxième partie du Traité constitutionnel, cet article II-82 portait le numéro 22. Le ministre des Affaires fédérales et européennes de Thuringe, qui représentait le Bundesrat dans la Convention chargée de rédiger cette charte, a déclaré en 2000 que « par son préambule et son article 22, la charte ancre des éléments du droit des minorités ». La diversité culturelle, religieuse et linguistique est donc ce qui caractérise des minorités, c’est-à-dire, dans la tradition allemande, des minorités à caractère ethnique. On sait avec quel soin jaloux l’Allemagne veille au sort des siennes, depuis la Pologne jusqu’au Kirghizstan, en passant par de nombreux autres pays.

Le Traité constitutionnel mentionne bien les minorités. Dans l’article I-2, il est question du « respect des droits de l’homme, y compris des personnes appartenant à des minorités ». Les droits de l’Homme sont des droits individuels. Avec son pluriel, la notion d’« origines ethniques » laisse la porte ouverte pour des droits collectifs. Selon le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’Allemagne aurait préféré voir inscrits dans la charte des droits fondamentaux de véritables droits collectifs pour les minorités, mais la France, la Grande-Bretagne et l’Espagne s’y sont opposées.

S’il était adopté, le Traité constitutionnel serait l’arme idéale pour casser cette résistance. Son article I-59 prévoit « la suspension de certains droits résultant de l’appartenance à l’Union » lorsqu’il existe « un risque clair de violation grave par un Etat membre de valeurs visées à l’article I-2 ». Cela peut aller jusqu’à « une décision européenne qui suspend certains des droits découlant de l’application de la Constitution à l’Etat membre en cause, y compris les droits de vote du membre du Conseil représentant cet Etat. ...cet Etat reste lié par les obligations qui lui incombent au titre de la Constitution ». L’article I-33 définit la décision européenne comme « un acte non législatif obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne des destinataires, elle n’est obligatoire que pour ceux-ci ».

La France pourrait donc se voir contrainte de reconnaître des minorités ethniques sur son territoire - ces Corses, Catalans, Basques, Occitans, Bretons, Flamands, Alsaciens et Lorrains, en qui les auteurs d’ouvrages ethnistes et ethno-linguistiques, publiés chez elle tout comme en Allemagne et en Autriche, voient des minorités menacées. L’étau ethnique se resserre. Pour préserver son unité d’Etat-nation, maintenir la paix civile, et demeurer libre, la France doit refuser le Traité constitutionnel.

Articles du traité constitutionnel européen et d’autres textes européens cités dans l’analyse d’Yvonne Bollmann :

Traité constitutionnel européen : lire en ligne en format PDF

ARTICLE I-2

Les valeurs de l’Union

L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.

ARTICLE I-3

Les objectifs de l’Union

1. L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.

2. L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.

3. L’Union œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.

Elle combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen.

ARTICLE I-59

La suspension de certains droits résultant de l’appartenance à l’Union 1. Le Conseil, sur initiative motivée d’un tiers des États membres, sur initiative motivée du Parlement européen ou sur proposition de la Commission, peut adopter une décision européenne constatant qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article I-2. Le Conseil statue à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en cause et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure. Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.

ARTICLE II-81

Non-discrimination

1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

2. Dans le domaine d’application de la Constitution et sans préjudice de ses dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite.

ARTICLE II-82

Diversité culturelle, religieuse et linguistique L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

Charte des droits fondamentaux : lire en ligne en format PDF

Article 22.

Diversité culturelle, religieuse et linguistique. L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

Convention européenne des Droits de l’Homme : lire en ligne

Article 14 - Interdiction de discrimination

La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

Traité d’Amsterdam, 2 octobre 1997 : lire en ligne

Article 13 (ex-article 6 A)

Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Yvonne Bollmann est l’auteur de deux essais :

La bataille des langues en Europe, Bartillat, 2001

Ce que veut l’Allemagne, Bartillat, 2003

Voir aussi sur le site de l’Observatoire du communautarisme :

Deux essais d’Yvonne Bollmann, Françoise Morvan, Observatoire du communautarisme, 15/09/2004

Pierre Hillard : « La constitution européenne officialise le fait ethnique », Observatoire du communautarisme, 16/04/2005

Constitution européenne : des droits fondamentaux contraires aux droits de l’homme, Anne-Marie Le Pourhiet, Observatoire du communautarisme, 19/04/2005

Une Constitution qui tourne le dos à la laïcité, Laurent Maffeïs, Observatoire du communautarisme, 27/10/2005

Voir le dossier du centre de ressources de l’Observatoire du communautarisme Minorités et régionalismes en Europe qui comprend notamment les textes intégraux de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

CET TEXTE A ÉTÉ PUBLIÉ SUR communautarisme.net

mercredi 4 mai 2005

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  • Je m'appelle Philippe, j'ai 57 ans, je suis handicapé de naissance mais à part cela, tout roule. Je vous ferais découvrir mes joies , mes rires et mes coups de gueules sur l'actualité du moment. Cela dépend du moment.
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