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12 mai 2005

Traité constitutionnel : les 23 bobards du

Traité constitutionnel : les 23 bobards du Président

Denis Sieffert, Michel Soudais et Thierry Brun

Devant l’énormité des contre-vérités proférées par Jacques Chirac le 3 mai sur France 2, devant l’atonie des journalistes, et face au refus de tout débat contradictoire, la rédaction de « Politis » a décidé de passer au crible le discours présidentiel. Édifiant.

Pendant cinquante minutes, à l’heure de plus grande écoute, sur une chaîne de télévision de service public, le 3 mai, Jacques Chirac a monologué sur la Constitution européenne. Quinze jours plus tôt, dans des conditions certes moins confortables, il s’était déjà, pour la même cause, octroyé deux heures d’antenne sur TF 1. Dans les deux cas, nul contradicteur. Aucune résistance aux contre-vérités proférées tranquillement. Certes, sur TF 1, des jeunes gens l’avaient déstabilisé à plusieurs reprises par la sincérité et la profondeur de leurs inquiétudes. Mais jamais il ne fut répondu sérieusement aux arguments du Président sur le traité constitutionnel lui-même. Une certaine tradition journalistique française, faite de révérence, est ainsi mise en lumière. Même dans la presse écrite, à notre connaissance, il ne s’est trouvé personne pour confronter le discours présidentiel à la réalité du texte soumis aux suffrages des Français. Au contraire, il a été publié tout ou partie comme argent comptant. Après l’avoir entendu, les téléspectateurs ont donc pu le lire et le relire. Quant au journal de France 2, il en a rediffusé de larges extraits le lendemain à 20 heures, sans aucun travail critique. Une telle chape de plomb sur notre système d’information est peut-être sans précédent dep uis la guerre d’Algérie. Par la réponse que nous faisons ici, point par point, au discours présidentiel, nous n’avons pas la prétention de rééquilibrer le débat. Voici simplement ce que nous aurions voulu lire ou entendre ailleurs. Nous avons relevé vingt-trois mensonges au cours de la prestation présidentielle du 3 mai. Nous les restituons ici dans l’ordre où ils ont été proférés. Et nous y opposons nos arguments, texte en mains. Pour la démocratie.

Monsieur le Président,

Votre plaidoyer en faveur du traité constitutionnel qui sera soumis aux suffrages des Français, le 29 mai prochain, est évidemment légitime. Encore faudrait-il que vos prestations télévisées, longues et nombreuses, soient comptabilisées dans la campagne en faveur du « oui ». Mais il faudrait surtout que vous assumiez le texte constitutionnel tel qu’il est, et n’en transformiez pas grossièrement le sens. Car il ne s’agit pas ici d’une querelle d’interprétation. Il ne s’agit pas ici d’un « débat », qui, hélas, n’a pas lieu. Nous nous limitons à rétablir des faits. Et c’est pourquoi, chaque fois que nous avons constaté les libertés prises avec les faits et avec la vérité, nous avons usé d’un mot brutal : « Mensonge ». Nous en avons relevé 23. Les voici, dénoncés sans fard et sans euphémisme...

Bonne lecture, Monsieur le Président...

Mensonge n° 1.« ...les Français prennent conscience de la réalité de la question qui leur est posée : "Voulez-vous une Constitution pour l’Europe ? Quelle Constitution ? Avec quelles garanties, dans le cadre d’un grand marché unique et d’une harmonisation sociale, ou non" ? »

Non, Monsieur le Président, la question posée n’est sûrement pas : « Voulez-vous une Constitution pour l’Europe ? » Et pas davantage « Quelle Constitution ? », ce qui supposerait qu’un processus démocratique soit mis en place pour permettre aux citoyens de prendre une part active à l’élaboration même de ce texte. Au lieu de quoi, c’est un texte parachuté que les citoyens sont aujourd’hui sommés d’accepter.

Mensonge n° 2. « ...l’Europe doit être organisée, parce qu’elle a vocation à enraciner la démocratie et la paix sur l’ensemble de notre région. »

Non, Monsieur le Président, ce n’est pas la question de l’« organisation de l’Europe », ni celle de l’« enracinement de la démocratie et de la paix » qui sont posées. Avec cela, tout le monde est d’accord. Une autre question est de savoir si cette Constitution qui nous est proposée enracine vraiment la démocratie et la paix, ou si, au contraire, elle prépare des violences sociales, les révoltes et les replis identitaires qui accompagnent souvent la grande pauvreté et l’exclusion.

Mensonge n° 3. « ...elle [cette Constitution] est surtout la fille de 1789. Ce sont toutes les valeurs de la France qui seront notamment reprises dans la Charte des droits fondamentaux, qui sont le coeur même de cette Constitution. »

Là, Monsieur le Président, vous faites fort dans la récupération du mécontentement populaire. Mais, en suggérant que voter « oui » c’est prendre une deuxième fois la Bastille, vous montrez au moins une certaine conscience de l’état de la société française. Hélas, la Constitution, en installant la concurrence « libre et non faussée », anéantit le principe d’égalité cher aux révolutionnaires de 1789. Il faut en outre beaucoup de toupet pour comparer un texte bureaucratique et technocratique avec un processus populaire. Enfin, la Charte n’est pas le « coeur » de ce traité constitutionnel, mais un alibi inopérant. Des grands principes qui ne pèsent rien face aux articles contraignants du traité qui les contredisent à toutes les lignes, et les rendent en réalité inapplicables.

En affirmant que la Constitution serait d’inspiration française, Monsieur le Président, vous voulez flatter les électeurs. Mais vous n’êtes pas le seul. Un peu partout, les chefs d’État et de gouvernement racontent la même histoire à leurs opinions. Au Parlement britannique, Jack Straw, ministre des Affaires étrangères, l’a présentée comme « une victoire pour la Grande-Bretagne et pour les vues de la Grande-Bretagne sur la façon dont l’Union européenne devrait fonctionner ». En Espagne, les amis de José Maria Aznar, l’ancien chef du gouvernement de droite, assurent qu’elle « reflète dans une proportion considérable les valeurs, principes et convictions du Parti populaire », un parti libéral, atlantiste, très nationaliste et religieux.

Mensonge n° 4. « Les Français, plus que d’autres, ont lieu d’être fiers [de] la reconnaissance des services publics que l’on n’avait jamais faite. »

Sur ce sujet, nous craignons, Monsieur le Président, que vous ne vous soyez laissé abuser par l’optimisme de François Hollande et de ses amis. Les Français qui ont lu le texte que vous venez de leur envoyer ­ trop tardivement à notre avis ­ ont noté au contraire que l’expression « services publics » en était absente. Si les articles II-96 et III-122 indiquent que les Services d’intérêt économique général (SIEG) contribuent à la cohésion sociale et territoriale, qualités qu’on reconnaît généralement aux services publics, le « Livre blanc » publié par la Commission européenne en mai 2004 affirme sans ambages que les SIEG « ne peuvent être confondus avec l’expression service public ». Votre factotum dans cette instance, M. Jacques Barrot, a dû négliger de vous le transmettre. C’est regrettable. Car, si la Constitution est adoptée, c’est la Commission qui veillera à son application, comme il est spécifié à l’article I-26. En attendant de vous procurer ce document, lisez donc notre neuvième décryptage (page 9) pour voir ce qu’il en est de cette « reconnaissance » des services publics.

Mensonge n° 5. « Mais les gouvernements de droite feront des politiques de droite, les gouvernements de gauche feront des politiques de gauche. »

Certes, Monsieur le Président, tout est relatif. Et ce que vous entendez par « politique de gauche » n’est peut-être pas ce qu’entendent des millions de citoyens parmi ceux qui s’apprêtent à dire « non » à cette Constitution. Mais que se passera-t-il lorsqu’une firme transnationale attaquera devant la cour de justice européenne un État qui pratiquera une politique d’aide publique, et faussera ainsi les sacro-saintes règles de la concurrence ? Et que restera-t-il de la gauche si toute politique publique est interdite ou rendue plus difficile, comme la Constitution le recommande ?

Mensonge n° 6. « Toutes les politiques devront être marquées par une exigence sociale, et également environnementale. Cela, c’est un fait nouveau. »

Nouveau, Monsieur le Président ? L’article III-119, qui stipule que « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions visées » dans la partie III de la Constitution, « afin, en particulier, de promouvoir le développement durable », reprend mot à mot l’article 6 du Traité établissant la Communauté européenne. Vu comment cette « exigence » a été suivie jusque-là, il est permis d’être sceptique sur la portée de l’exigence sociale introduite à l’article III-117. D’autant qu’elle se borne à fixer pour principes « un niveau d’emploi élevé », « la garantie d’une protection sociale adéquate », « la lutte contre l’exclusion sociale » et « un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine ». Si les critères du pacte de stabilité étaient aussi vagues, voilà longtemps que l’on aurait entendu les banquiers pousser des hauts cris.

Lire la suite dans Politis n° 851

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