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8 avril 2006

Alors le telechargement est-il illégal ou pas en

Alors le telechargement est-il illégal ou pas en France ? A vous de juger


DADVSI : sacrifier 8000 emplois pour libérer la musique en ligne ?
Par Bruno Moldave, sa biographie

Cet article a été rédigé par un reporter d'AgoraVox, le journal média citoyen qui vous donne la parole.

Le Disque, en France, c'est à peine 8000 emplois. Bien loin des 300 000 invoqués par notre expert national en économie des Médias, Marc Lavoine sur LesTelechargements.com, ou des 100 000 évoqués par Christian Vanneste lors des débats à l'Assemblée sur la loi DADVSI. Mais, surtout, dans un modèle en ligne, la musique n'a pas besoin du disque, qui ne crée pas d'emplois annexes hormis ceux directement liés au support physique, qui sont à terme condamnés. Les parlementaires auraient tout intérêt à sacrifier le disque pour que vive la musique en ligne.

Ne soyons point trop provoquants. Expliquons-nous :

Dans les maisons de disque, en France, le personnel se limite à 8000 personnes (200 à 800 personnes pour chaque section française des majors, 1 à 30 personnes pour un indépendant). Les éditeurs de variété emploient moins de 1000 personnes (alors, chose étrange, que la SACEM répertorie 3500 éditeurs... Ces chiffres (et cette contradiction) sont décrits en toutes lettres dans l'excellent livre Les métiers de la musique, édité par la Cité de la musique (à qui l'on doit tous les rapports les plus inattaquables et les plus dérangeants sur l'industrie phonographique).

Bon, 8000 emplois seulement, mais près d'un milliard d'euros de chiffre d'affaire. Cherchons ce que représente cet argent. Avec 1 milliard de chiffre d'affaire, on se dit au moins que ceci permet d'investir dans de nouveaux talents...

Penchons-nous donc sur ce supposé investissement, en nous concentrant avant tout sur l'investissement "créatif", c'est-à-dire, concrètement, celui qui aide un créateur à s'exprimer en enregistrant le disque de ses rêves.

Seuls 30 millions d'euros peuvent être considérés comme un investissement "artistique" : le SNEP signale en effet que seuls 3% du prix moyen d'un CD provient de l'enregistrement. Les ingénieurs du son, les musiciens, le matériel, les studios : le disque ne dépense en tout et pour tout que 30 millions par an.

Détaillons cette horreur :

- La Cité de la musique considère que seules 240 personnes ont une fonction "artistique" au sein des maisons de disques.

- 30 millions d'euros consacrés à la création phonographique, ceci donne 1360 équivalents d'emplois au SMIC (toutes charges payées). Rajoutons donc ces 1360 emplois. Même si cet argent n'allait qu'aux musiciens ou arrangeurs et autres mixeurs, le disque ne constituerait mathématiquement qu'une infime fraction des revenus des 40 000 instrumentistes encartés ADAMI et SPEDIDAM ou autres.

=> en tout et pour tout, la partie "créative" du disque ne peut faire survivre que 1600 personnes... c'est-à-dire autant que le nombre d'employés de la SACEM...

Parallèlement, le disque ne représente que 20% des droits d'auteurs perçus par la SACEM : largement compensable, à court ou moyen terme par la vente en ligne, et plus tard par la licence globale (ou redevance sur les abonnements haut débit), que nos politiques ne manqueront pas de voter dans quelques années face à la persistance obstinée de la réalité du P2P...

L'essentiel du milliard de chiffre d'affaire (du moins la partie qui ne repart pas à l'étranger, n'oublions pas qu'une bonne proportion des ventes est le fait d'artistes étrangers) sert à rémunérer une file d'intermédiaires à la valeur ajoutée incertaine (en particulier, le rôle d'un éditeur par rapport au producteur, quand les deux sont dans la même major à s'occuper du même artiste...), à payer des écrans publicitaires et des accords de diffusion ("Je te paie, tu me matraques sur ta chaîne") toujours plus coûteux (les télés et les radios profitant massivement de leur position stratégique d'accès au TCD - temps de cerveau disponible), et à payer la filière de distribution et ses marges arrière. Ce sont là des dépenses complètement "à fonds perdus", dans des secteurs très faibles en génération d'emploi.

Le reste sert à rémunérer des frais généraux (25%...) largement grevés par les salaires des patrons de labels, soit quelques dizaines de personnes complètement surpayées (30 à 80 000 euros par mois, c'est ridicule), souvent artistiquement incultes, crocodiles uniquement experts dans l'art de survivre dans un marigot qu'ils ont creusé eux-mêmes et dont ils entretiennent eux-mêmes l'assèchement. (voir l'excellent article de P. Astor ).

Baisser de moitié le salaire de P. Nègre (960 000 euros annuels) permettrait de dégager quatre fois le budget d'enregistrement d'un album "à fort investissement artistique" comme celui du dernier Fersen (Cf Epok) qui se montait à 119 000 euros (soit 20% du budget total du disque (550 000 euros), ce qui est une proportion très exceptionnelle... la moyenne étant de 3% rappelons-le). En divisant par deux le salaire et le bonus des principaux cadres et chefs de labels du disque, il est possible qu'on puisse lancer une bonne vingtaine d'artistes de plus par an!

Dans le langage des maisons de disque, "investir" sur un artiste, ce n'est pas vendre sa musique, c'est essayer d'en faire une marque qui se vende indépendamment de ce qu'il chante. Pour vous en convaincre, réfléchissez à la valeur commerciale du remix d'Abba Hung Up s'il était chanté (aussi bien) par une cantatrice entre deux âges de Mâcon. En ce sens, le disque se contrefout de la musique. Ce n'est d'ailleurs pas neuf : c'est consubstantiel à cette industrie, qui s'est bâtie d'abord sur l'ambition de rentabiliser des brevets sur les phonographes, et enregistrait n'importe quoi du moment que ça faisait du son.

Quand les majors nous disent : "Comment voulez-vous, sans votre argent, que nous investissions sur des talents ?" ce qu'elles disent, en termes économiques, c'est : "Comment voulez-vous, si vous refusez de financer votre propre décérébration, que nous puissions encore demain vous convaincre que cette bouillie sonore est bonne pour vous ? "

En payant le prix exorbitant du disque, en alimentant la machine inflationniste le public finance la propagande qui sert chaque jour à le convaincre que la musique, c'est avant tout ce qui s'entend sur Fun et NRJ, et rien d'autre.

A moyen terme, le public qui achète des disques fournit aux majors l'argent nécessaire pour le dégoûter à tout jamais de la musique.

Le spectacle vivant se réorganisera très bien sans les majors. La mort des majors accélèrerait en particulier la chute de la quinzaine de "tourneurs" (intermédiaires entre les maisons de disques et les salles de spectacles) qui asphyxient la scène française - encore un aspect méconnu du marché de la musique... Les 8000 employés se recaseront sans aucun souci. Les plus passionnés iront sur le Net dans un marché enfin concurrentiel. D'autres se recaseront comme commerciaux dans d'autres boîtes, avec sur leur CV la mention flatteuse d'avoir réussi à vendre très cher des excréments sous cellophane pendant des années.

Le disque devient un support annexe. Un modèle d'affaire "en ligne" n'en a pas besoin, ou alors juste en tant que produit promotionnel, ou au contraire produit "premium" de luxe, réservé aux fans, vendable par correspondance, ou commandable rapidement auprès des grandes surfaces spécialisées, obligées, faute de gros interlocuteurs, de faire du vrai commerce de détail (et pas du supermarché).

Le disque n'organise que sa propre survie : il n'est pas indispensable au spectacle vivant, ni à la diffusion télé, radio ou webradio. Il n'en n'est plus qu'un parasite ennuyeux.

Pour achever de convaincre nos politiques, déboulonnons le mythe du poids supposé du soutien des artistes pour gagner de supposées élections.

Rassurez-vous, chers parlementaires et chers candidats : ce poids est négligeable, voire nul. Les dépenses musicales restent avant tout des dépenses de loisir : hormis pour les "fans" purs et durs, ils se comportent avec eux comme avec des saltimbanques à qui l'on jette l'argent qu'on a en trop (même si c'est sous la forme d'un billet de 10 euros de plus pour acheter le disque de Camille à Carrefour, ce qui est la pratique d'achat de musique la plus courante en France). Saltimbanques : c'est dur à entendre, tant pour les artistes que pour les ... (et en tant que mélomane, ça me fait mal, car je tiens la musique pour la forme d'art la plus élevée qui soit). Mais c'est la réalité : une affiche en 4 par 3 avec Johnny recommande Sarko aurait en France davantage de risques de faire naître la polémique, et nuirait hautement à ces deux saltimbanques-là. Soutenu par la plus grande partie de la classe showbiz, John Kerry est arrivé derrière Bush, souvenez-vous.

Un dernier obstacle pourrait freiner nos parlementaires sur la décision d'euthanasier le disque : l'importante somme d'argent que les majors paient aux télévisions. Un esprit paranoïaque pourrait voir derrière la loi DADVSI la main de TF1 pour éviter de perdre la manne que représenteraient ces précieux annonceurs. A l'intéressante page 25 du non moins intéressant rapport du CSA, intitulé "Étude sur les relations entre TF1 et Métropole Télévision et la production phonographique", on découvre avec autant d'intérêt que d'effroi que les majors sont en effet constamment dans le top 10 des recettes publicitaires de TF1 et M6. En 2002, Universal engloutissait à elle seule 130 millions d'euros sur ces deux chaînes. Nos chers politiques auraient-ils peur de fâcher TF1, avant la grande ligne droite vers 2007 ?

Là encore, chers parlementaires, pas de panique! Les 9 autres annonceurs sont tous des lessiviers (Danone, Procter, Lever, Nestlé, Ferrerro, Henkel...) : ils auront tôt fait de combler le vide que laisseront les majors. Après tout, le temps de cerveau disponible (TCD) est un bien rare qui se vendra toujours très très cher.

Les parlementaires seraient bien inspirés de mesurer l'insignifiance totale de l'industrie du disque en termes d'emploi : leur poids économique (1 milliard de chiffre d'affaire) est une illusion : tout repart dans des poches obscures, et finance une industrie de l'intermédiation par essence inflationniste et de rareté organisée.

Voici donc le message au Parlement : vous pouvez sans aucun souci ruiner les majors, sans faire de mal à la musique ni à votre image, bien au contraire. Les auteurs et musiciens finiront par vous remercier d'avoir arrêté ceux qui les traitent comme des serfs. Ils se retrouveront enfin du côté du manche, avec un marché de la production phonographique moins arrogant et moins dévoreur de marges, au service du public et des créateurs.

Les vendeurs et fabricants de disque, qu'ils le veuillent ou non, sont des vendeurs de fiacres à l'heure de l'automobile. Le disque n'a pas créé la musique : il l'a juste exploitée. Rien à voir avec le cinéma, qui a créé un art nouveau. Le disque est une petite tumeur que la musique s'apprête à exciser de son corps.

Le vrai business, à venir, est celui de la musique en ligne. Quelle que soit la manière de la vendre (au forfait, en licence globale, à l'unité...) elle aura pour objectif non plus de produire un artiste à sensation (the "next big thing" comme disent les vieux producteurs) pour le vendre à 1 million de personnes, mais de produire en continu des centaines d'artistes nouveaux ou anciens qui plaisent à 5000 ou 10 000 personnes, 30 000 pour un grand succès. Le vrai producteur de demain est davantage une sorte de "supermanager", structure commerciale multifonctions, directement au service de l'artiste, qui peut même être l'artiste lui-même, au moins à ses débuts. C'est d'ailleurs le sens du rapport Cocquebert sur le financement de l'industrie du disque, remis en 2004 au ministre de la Culture, qui l'ignora superbement. Une des propositions était de créer un statut de "l'artiste producteur"... [["Grâce à l'évolution des outils informatiques, les artistes sont souvent en mesure de livrer des productions pratiquement achevées à leurs producteurs. À plus long terme, il est probable que l'accès direct à la distribution offert par Internet aux artistes producteurs conduise de plus en plus d'entre eux à produire leurs disques. Bon nombre d'entre eux ne mesurent pas la charge administrative générée par la création d'une structure de production et n'ont pas les capacités nécessaires pour assurer ne serait ce que la gestion administrative d'une société. Il serait donc intéressant d'étudier l'opportunité de mettre en place un statut fiscal, social et juridique simplifié, adapté à l'activité d'artiste producteur et pouvant évoluer facilement vers un apport en société si le projet se développe." page 4]

Méditons ces chiffres, chers parlementaires!

Tout ceci n'est qu'une affaire de reconversion industrielle. Pour que la musique en ligne vive, ne faut-il pas commencer par aider le disque à mourir ?

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